Valorisation des services écosystémiques : approches économiques et climatiques
La dernière note du Conseil d’Analyse Économique (CAE) propose une méthode innovante pour intégrer la véritable valeur des services rendus par la forêt dans les comptes nationaux et tenter d'orienter plus justement les politiques publiques. Cette approche vise à révéler les coûts et bénéfices d’une action en faveur des forêts, afin que leur importance ne soit plus sous-estimée.
Référence et Sources : Note du conseil d’analyse économique, n° 86, septembre 2025, "Compléter les comptes nationaux pour que l’arbre ne cache plus la forêt", Dominique Bureau, Philippe Delacote, Fanny Henriet, Alexandra Niedzwiedz.
La forêt, pilier du climat… fragilisé
La forêt métropolitaine française constitue un puits de carbone essentiel, absorbant en moyenne 10% des émissions nationales de gaz à effet de serre. En 2023, le stock de carbone des arbres, bois mort, litière et sols forestiers s’élève à 2,8 milliards de tonnes, qui croît régulièrement : ces dernières années, la forêt a stocké 39 millions de tonnes de CO2 par an en moyenne. Sans ce service écologique, les émissions nettes du pays seraient mécaniquement plus élevées de 10% chaque année.
Cependant, ce rôle a été mis à mal par la crise climatique. L'intensification des sécheresses, tempêtes ou maladies a doublé la mortalité des arbres et ralenti leur croissance de 4% sur la dernière décennie, divisant la capacité de séquestration du puits de carbone par deux. Si la forêt absorbe toujours plus de carbone qu’elle n’en émet, sa contribution au climat est aujourd’hui incertaine à moyen terme, menaçant de rendre les forêts françaises émettrices nettes d’ici 2050 en cas d’augmentation des prélèvements de bois non orientés vers des usages longue durée.

Évaluer les bénéfices cachés : du carbone aux co-bénéfices
Jusqu’ici, seuls les services marchands, comme la sylviculture (entretien et exploitation commerciale de la forêt), sont pris en compte dans le calcul du PIB, soit 3,9 milliards d’euros (0,15% du PIB en 2022). Pourtant, la valeur globale de la forêt va bien au-delà : en intégrant la séquestration du carbone et les autres services écosystémiques, la valeur ajoutée totale du secteur atteint 11,2 milliards d’euros en 2018, soit plus de trois fois la valeur strictement marchande.

La valorisation de la séquestration du carbone nécessite de définir un prix de référence : le CAE retient un coût social du carbone (CSC) de 185 €/tCO2 évitée, à nuancer selon la non-permanence du stockage (facteur de 0,4). Cela permet d’intégrer le risque – accentué par le changement climatique – qu'une tonne de carbone stockée temporairement soit remise en circulation lors d’événements extrêmes, ou par la gestion forestière.
Fait marquant : la valeur socio-économique du puits de carbone atteint un ordre de grandeur équivalent à celui de la sylviculture. Ignorer ce service revient à biaiser les choix politiques au détriment du climat et de la préservation du puits de carbone.
Systèmes de valorisation et leviers pour renforcer le rôle climatique des forêts
Des outils comme le Label bas-carbone – volet forêt permettent déjà de financer des projets forestiers via la vente de crédits carbone (Voir nos projets ici).
Les effets de substitution sont tout aussi importants et intégrés au Label Bas Carbone : le bois utilisé dans la construction ou l’énergie permet de remplacer des matériaux (béton, acier) ou des sources d'énergie plus émettrices de CO2, optimisant ainsi l’effet climatique de la filière.
Le suivi technique et l’évaluation méticuleuse des projets, comme le pratique le Label bas-carbone, sont des preuves de concept pour une intégration juste des bénéfices climatiques et environnementaux dans les politiques publiques.
Il est également recommandé de mettre en place une commission nationale dédiée à la traçabilité des stocks et flux de bois et de carbone pour garantir la cohérence et la transparence tout au long de la filière.
Au-delà du marché : la forêt, patrimoine naturel stratégique
La forêt est intrinsèquement multifonctionnelle. Si la production de bois ne représente qu’un tiers de sa valeur ajoutée totale, la régulation climatique, la préservation de la biodiversité, la gestion de l’eau, la qualité de l’air ou encore les services récréatifs constituent les deux tiers restants.
En 2023, la valeur sociale du carbone stocké dans la biomasse atteint environ 380 milliards d’euros ; les autres services écosystémiques sont évalués à 270 milliards — bien davantage que la seule valeur foncière.

L’enjeu pour les politiques forestières est donc d’« internaliser » l’ensemble des bénéfices non marchands issus de la gestion forestière.
Selon le CAE, cela implique de rémunérer la séquestration, de tarifer les prélèvements, et d’instaurer des paiements pour services environnementaux conditionnés à des pratiques favorables à la biodiversité, la résilience climatique et la diversité des essences. Les projets forestiers adaptatifs, évitant les coupes rases, mettant en œuvre un suivi rigoureux et misant sur les co-bénéfices, deviennent stratégiques pour la transition écologique et climatique.
Voir nos projets adaptatifs ici
Nos projets de valorisation des services écosystémiques